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La nouvelle Afrique centrale selon NGOMO Privat.
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8 novembre 2017

LE JUGEMENT CIRCONSTANCIE D’EMMANUEL MACRON

Garder un Ali Bongo très affaibli mais écarter un Jean Ping légitime !

 

A la différence du candidat Jean-Luc Mélenchon de la France Insoumise qui entendait rompre définitivement avec la 5ème République française - et son corollaire obscur la Françafrique - lors des dernières élections présidentielles  de mai 2017, le candidat élu, Emmanuel Macron, actuel chef de l’Etat français, considérait durant la campagne, pour sa part, qu’il maintiendrait l’actuelle Loi fondamentale française conçue par le Général Charles de Gaulle et promulguée en 1958.

Il faut rappeler que De Gaulle, revenu aux affaires après 12 ans d’absence, souhaitait mettre un terme à l’instabilité institutionnelle de la France – caractéristique frappante de la IVème République - à laquelle la crise algérienne, commencée en 1956, avait porté un coup fatal. Devenu président du Conseil, Charles De Gaulle proposa une loi fondamentale qui présentait deux volets : 

 

Macron&DeGol

[1] sur le plan hexagonal, (a1) consolider la stabilité parlementaire par une élection des députés au scrutin majoritaire ce qui aurait pour effet de faire disparaître les petits partis afin qu’émergent deux ou trois formations réellement prépondérantes à l’Assemblée nationale ; (b1) le premier ministre de la République sera dorénavant issu du parti ou d’une coalition de partis détenant la majorité dans l’hémicycle ; (c1) ce dernier avec le président de la République composerait le gouvernement qui conduirait la politique de la nation. Il faut attendre 1962 pour qu’une première révision de la constitution française élargisse les pouvoirs du président de la République en en faisant un monarque républicain : il est désormais (d1) élu au suffrage universel direct par le peuple de France, (e1) nomme le premier ministre et peut le démettre ; (f1) il peut dissoudre l’Assemblée nationale et (g1) devient le président du Conseil supérieur de la magistrature. C’est un nouveau roi de France qui est le chef de l’exécutif, contrôle le pouvoir législatif et tient aux ordres le système judiciaire. Quand il est élu pour la première et unique fois en 1965, face à François Mitterrand, Charles De Gaulle concentre entre ses mains tous les 3 pouvoirs d’un Etat démocratique que le marquis de Montesquieu recommandait de tenir séparés et indépendants.

[2] Le second volet concerne la Communauté française, plus précisément l’aménagement « stratégique » de l’empire français dont le prestige et la puissance ont été affaiblis par la seconde guerre mondiale et où les revendications indépendantistes des anciens colonisés sont sur le point d’ébranler  tout l’empire colonial de France. Malgré le succès du référendum de 1958 qui confortait la Communauté française – nouvel habit de l’empire colonial – Charles De Gaulle dû concéder les indépendances en 1960 à toutes les colonies africaines, car il avait mis au point pendant deux ans, le pendant cynique et abject de la Communauté française, c’est-à-dire la Françafrique, pour continuer à garder, accrochés aux basques de l’hexagone, les pseudo-Etats nouvellement indépendants.

Le dispositif françafricain ainsi élaboré est structuré autour (a2) du contrôle de la souveraineté monétaire et économique des anciennes colonies par le maintien du Franc CFA créé en 1948, (b2) de la présence de la force militaire « d’occupation » (bases militaires), (c2) du maintien de la paupérisation des populations « indigènes » par la prétendue « aide au développement », (d2) de l’espionnage public, privé, religieux et militaire à travers les assistants techniques, les missionnaires et entrepreneurs français présents dans tous les secteurs d’activités des anciennes colonies et qui alimentent en informations la DGSE en France, (e2) du soutien net aux dictatures monopartites, très généreuses par le protocole des « mallettes » et mises en place par une Hexagone qui ne recule point devant l’élimination physique et systématique de toutes voix discordantes et opposées au dessein gaullien et (f2) enfin de la francophonie avec l’OIF pour détourner l’Afrique de son véritable centre politique et culturel qui est le panafricanisme et poursuivre l’œuvre d’assimilation et d’aliénation culturelle grâce aux relais officiels que sont la radiodiffusion (RFI) et la télévision (France24).

Dispositif froid, retors, implacable et cruellement efficace, la françafrique permettra à la France pendant les 60 prochaines années de préserver encore son statut de grande puissance mondiale grâce à une Afrique francophone émiettée, tenue en respect et qui lui servira de piédestal. Le bras armé primordial de cette sinistre machination fut le servile Jacques Foccard qui eut la délicate et lourde mission de la mettre en œuvre. Depuis d’autres disciples sont à l’ouvrage. Mais revenons à Emmanuel Macron,  nouveau et jeune président français !

JUGEMENT CIRCONSTANCIE

Dilemme cornélien. Emmanuel Macron pourra-t-il à la fois conserver la 5ème République française et se défaire de la Françafrique quand on sait que ces deux réalités – opposites du point de vue des principes mais complémentaires dans l’intérêt supérieur de la France - confèrent actuellement à l’ancien empire toute sa puissance et son prestige à l’international? Voici présenté le dilemme politique auquel est confronté le jeune et nouveau président français. Abattre la françafrique, c’est réduire inéluctablement l’influence politique et militaire de la France dans le monde et la ramener indubitablement, à brève échéance, au même rang qu’occupent actuellement les anciens empires coloniaux européens comme l’Espagne, le Portugal et la Belgique. Emmanuel Macron acceptera-t-il d’assumer cette historique responsabilité qui consacrera le déclin définitif de l’empire français moderne ? Rien n’est moins sûr !

Plausible réflexion.  Emmanuel Macron en se présentant à la dernière élection présidentielle française de mai 2017 avait un projet de société dont les volets français et européen ont été rendus publics pendant la campagne. Elu président, Macron a eu le loisir de présenter, le 03 juillet 2017, au Congrès à Versailles, la vision politique qu’il entend mettre en œuvre en France. Plus tard, c’est dans un discours moins solennel, à L’université de la Sorbonne, le 26 septembre 2017, qu’il déclinera ses réformes pour refonder l’Union européenne.

Quid de la vision africaine de la France d’Emmanuel Macron ? Le jeune président français a-t-il mené une sérieuse réflexion sur la politique moderne que la France devrait désormais mener en Afrique francophone ou reste-t’-il, comme tous ses prédécesseurs, dans le paradigme gaulliste françafricain ? Sur cette question, Emmanuel Macron est attendu à Ouagadougou où il s’y rendra avant la fin de l’année et où son discours sera scruté, pesé, disséqué et analysé. En attendant d’en arriver là nous nous posons de légitimes questions sur les déclarations « africaines » et sur les attitudes très « silencieuses » du jeune président français à propos des récents mouvements de l’actualité africaine.

Pourquoi se hâter de féliciter Uhuru Kenyatta - avec la déconvenue qui s’ensuivit - quand on sait que le Kenya n’est point du pré-carré français alors qu’il n’y a aucun mot du leader français sur les crises qui secouent actuellement le Cameroun, le Gabon, les deux Congo, le Togo et le Niger qui, eux, relèvent bien pourtant de la zone d’influence de la France ? Mais peut-être faut-il se tourner vers le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) pour envisager un début de réponse à toutes ces questions. Directement rattaché au chef de l’Etat, le CPA a été pensé depuis le mois d’avril et créé à la fin du mois d’août 2017. Cette structure composée de 11 cadres africains devra « donner un nouveau visage à la relation entre l’Afrique et la France ». Tout y est dit ! La réflexion n’est pas achevée, elle n’est qu’à ses débuts avec la création nouvelle de ce cadre de réflexion et d’initiatives. En attendant l’aboutissement des travaux du CPA, le président français devra encore s’accommoder de la réalité « pragmatique » bien que détestable des manœuvres françafricaines.

Gabon, le jugement circonstancié de Macron. Interpellé sur la crise post-électorale gabonaise, le candidat Emmanuel Macron, dans une posture prudente et elliptique, avança qu’un « jugement circonstancié » était de rigueur et qu’il ne fallait pas se précipiter en conjectures mais attendre de disposer de toutes les informations avant de se prononcer définitivement sur cette affaire.   Plus de 5 mois après son élection, et malgré les 60 semaines de manifestation de la diaspora gabonaise qui bat chaque samedi le pavé du Trocadéro de Paris ou d’autres rues de France, le jeune président français s’est muré dans un silence assourdissant et … affligeant.

Pourtant en tant que chef d’Etat, il dispose désormais de toutes les informations nécessaires pour se faire ce « jugement circonstancié » et le communiquer publiquement. Pourquoi ce silence et cette prudence ? Emmanuel Macron préfère-t-il laisser l’Union européenne clore ce dossier ? Cela est assez commode, en effet, surtout que la patate gabonaise est suffisamment chaude voire brûlante et que la situation préoccupante de la France exige toute l’attention et la priorité du nouveau chef de l’Etat en ce début de quinquennat. Toutefois, la résolution du Parlement européen du 14 septembre 2017 sur la répression de l’opposition au Gabon en son point 9  « demande instamment à la France, en particulier, en raison de ses liens historiques forts avec le Gabon, de peser de tout son poids politique et économique sur le gouvernement gabonais et de jouer un rôle constructif au sein des institutions européennes à cet égard. » Comment Macron, l’Européen s’accommodant encore d’une françafrique à « réformer », entend-il  « peser de tout son poids politique et économique sur le gouvernement gabonais » pour une sortie définitive de la crise née de la dernière élection présidentielle gabonaise au mois d’août 2016 ?

Jean Ping, la France et la françafrique. Jean Ping, plusieurs fois ministre de l’époque bongomarienne, a certainement fait le bonheur des arcanes françafricains quand il en était un fervent héraut par les secrètes ou officielles missions qu’il effectuait. Mais, Jean Ping, président élu est un cauchemar, l’anti-modèle d’homme d’Etat que la françafrique dans son essence profonde récuse : il est instruit, hautement diplômé, fortuné, expérimenté, dispose d’un réseau international étendu, a une ascendance avec une des nations les plus puissantes du monde et surtout est véritablement légitime car choisi par le peuple souverain. Cet homme, parvenu au sommet de l’Etat gabonais, pourra-t-il, comme le furent les marionnettes de la françafrique pendant un demi-siècle, être tenu en respect, contrôlé et manipulé ? Rien ne le dit.

Les intérêts français au Gabon sont énormes et les positions abusivement dominantes françaises pourraient s’en trouver compromises d’autant que la mondialisation ouvre le Gabon à d’autres partenariats intéressants. Et si le Gabon, avec Jean Ping à sa tête, basculait bientôt dans une réelle démocratie comme le Bénin de Patrice Talon ou le Ghana de Rawlings, alors c’est toute l’Afrique centrale, jusque-là figée et immobile, qui prendra le même pli. Et qu’adviendra-t’il de l’influence française dans cette zone de son « pré-carré » si les nouveaux présidents légitimement élus et compétents de la CEMAC décident de l’abolition du franc CFA, du démantèlement des bases militaires, du renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit, de même qu’ils s’engagent à pratiquer une bonne gouvernance adossée à une lutte implacable contre la corruption et l’enrichissement illicite comme leurs homologues du Rwanda et du Botswana ?

Cette vision d’une Afrique centrale souveraine, libre, indépendante et exploitant ses innombrables richesses pour le bonheur de ses populations est aux antipodes de la stratégie françafricaine imaginée par Charles De Gaulle. Emmanuel Macron, peut-il au nom de l’intérêt supérieur de la France, souscrire à cette vision d’une Afrique centrale régénérée ? Il nous est permis d’en douter… fortement ! Mais l’aspiration légitime au bonheur des populations africaines, et surtout les revendications toujours plus exigeantes d’une jeunesse « androïd » décomplexée, ne peuvent plus être étouffées, passées en perte et profit. De cela aussi, le jeune président français en est parfaitement conscient. Comment alors gagner du temps en attendant que le CPA propose au président français « la solution » de ce siècle qui permettra à la France de revêtir de nouveaux habits à la stature toujours impériale quand le costume françafricain qui a si bien servi, mais devenu vieux et vermoulu, sera jeté aux orties ?

Soutenir Ali Bongo très affaibli et écarter Jean Ping, l’élu de la nation. Le Gabon vit actuellement dans une crise multiforme née des élections présidentielles manquées de 2009 et 2016 pour ne retenir que les plus récentes. Le régime cinquantenaire bongoïste, qui a été si fidèle à la françafrique, est exsangue, à bout de souffle et s’apprête à s’écrouler. La crise post-électorale, la plus longue que le Gabon ait connue, finira bien par avoir raison de ce système grâce à la ténacité du peuple de la résistance, de l’alternance et du changement sous la houlette de Jean Ping. Si à la fin, ce dernier (le président élu) arrive aux commandes de l’Etat, il ne le devra pas à la françafrique et ne lui sera pas redevable. Il faut donc l’en écarter.

Comment ? En jouant sur l’agenda diplomatique de l’Union européenne, le président français gagne du temps, se met en retrait et finalise sa réflexion. Quand les sanctions ciblées de l’Union européenne frapperont le régime imposteur gabonais, ce dernier sera très affaibli mais ne s’écroulera pas. Pour que cela arrive, il faut que la rue gronde et que les manifestations populaires emportent ce pouvoir illégitime aux abois. Or, rien ne présage au Gabon qu’un grand soir « populaire » et « révolutionnaire » soit en préparation. Il y a de fortes chances que, bon an mal an, le Gabon s’achemine inexorablement vers les élections législatives prévues pour avril 2018. La loi de Finance prévoit une dotation budgétaire pour la tenue de ces consultations, les partis politiques, ceux du pouvoir et même ceux de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR) s’activent déjà en conséquence et enfin, il est à parier que l’Union européenne suivra ce processus électoral comme le recommande ses deux résolutions sur le Gabon et le Dialogue politique intensifié (DPI) entré en vigueur avec le Gabon depuis le 05 décembre 2016.

Sauf imprévu, la tenue des élections législatives en avril 2018 déplacera le curseur politique de la nation gabonaise. Pour l’heure, ce dernier est pointé sur le pouvoir présidentiel avec le lourd contentieux de la crise post-électorale. Mais la vie d’une nation comporte aussi les activités et rythmes de vie des pouvoirs législatif et judiciaire. L’Assemblée nationale gabonaise dont le mandat est expiré depuis décembre 2016 doit être renouvelée. Le bilan catastrophique septennal du parti au pouvoir, la crise post-électorale d’août 2016 et le ras-le-bol populaire d’un système cinquantenaire corrompu et incompétent suffiront à laminer un PDG éclaté et sans repères. En prévision d’une cohabitation probable, Ali Bongo l’imposteur entend faire réviser la loi fondamentale qui lui donnerait plus de pouvoir face au gouvernement et à l’Assemblée nationale de la nouvelle majorité.

Si l’éventualité d’un succès de l’opposition se réalise en avril 2018, alors la nouvelle légitimité parlementaire occultera définitivement le litige électoral du 23 septembre 2016 sur la légitimité présidentielle. Jean Ping, passé à la trappe, deviendra le grand leader de l’opposition, en laissant un des siens assumer la fonction de premier ministre et Ali Bongo très affaibli et dépourvu de majorité demeurera néanmoins à la tête de l’Etat pendant encore le restant de son mandat. Cette « solution » gabonaise satisfera assez la France d’Emmanuel Macron qui réconciliera ainsi à la fois l’exigence françafricaine avec un baron renégat, mis à genoux et désormais plus coopératif à la tête de l’exécutif gabonais et l’exigence de démocratie avec pour la première fois une législature empreinte réellement de souveraineté populaire grâce à une élection des représentants qui a toutes les chances d’être cette fois transparente.

La cohabitation permettra d’atténuer les affres de la crise post-électorale car toutes les forces politiques de la nation seront amenées à travailler ensemble. Cela laisse le temps à la France, pour ce qui est du Gabon, de finaliser la réflexion sur les nouveaux rapports de coopération entre les deux pays, et surtout de chercher et préparer secrètement celui qu’elle voudra, par les urnes, faire atteindre le sommet de l’Etat gabonais, en août 2023.

Une fois de plus, le Gabon aura fait son deuil de Jean Ping en avril 2018 comme il fit celui d’André Mba Obame le même mois de l’année 2015.

 

Fait à Libreville, le 08 novembre 2017

Par Privat Ngomo./-

 

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